La communication interculturelle
Lors de mon parcours d'études en Management Interculturel en Dauphine, j'ai eu l'honneur et le plaisir de suivre une leçon de Franck Pruvost, Fondateur de Sensitive Ways, Professeur ESC Lille et conférencier, sur la communication interculturelle.
Très inspirée par ce moment d'enseignement et de partage, j'ai voulu rédiger une synthèse sur ce thème, un pilier dans toute formation interculturelle.
Beaucoup d'encre a déjà coulé sur ce sujet : l'idée est, ici, de résumer les éléments fondamentaux de la communication et, en même temps, de donner une vision moins "technique", mais plutôt axée sur les bons conseils qui peuvent vous aider à communiquer en contexte interculturel et à être efficace dans un bon nombre de situations.
Les composantes de la communication
Si on devait résumer les finalités de la communication, on pourrait peut-être dire que c'est la rencontre avec l'autre. Il y a essentiellement 3 passages indispensables pour réussir sa communication :
La communication interculturelle en particulier est tout simplement plus exigeante, car on n’a pas de cadre culturel commun, pas les mêmes règles du jeu et des adhérences culturelles différentes.
Compréhension du cadre de référence - les représentations de la réalité
Le premier pas vers une communication réussie est probablement la compréhension du contexte : où suis-je ? avec qui ? quels sont les enjeux ? où se situent les risques ? Une analyse fine du contexte est une condition sine qua non d'une stratégie de communication réussie.
On parle souvent de stéréotypes, d'idées reçues, de préjugés et de discrimination, tout cela avec une certaine négativité.
Mais en réalité le cerveau humain a la nécessité de catégoriser l'environnement afin qu'il soit lisible et il fait cela à travers ses sens : il opère une discrimination par les perceptions, de façon à exemplifier et synthétiser les informations, et pouvoir ainsi les lire. Il a recours à des étiquettes, il trace une carte du territoire.
Ces filtres de la perception se construisent à travers l'éducation, le cadre culturel, les expériences : c'est à travers ces filtres que l’individu interprète la réalité, on les appelle des raccourcis ou des représentations.
"Quiconque prétend s'ériger en juge de la vérité et du savoir s'expose à périr sous l'éclat de rire des Dieux, puisque nous ignorons comment sont réellement les choses et que nous n'en connaissons que la représentation que nous en faisons"
A. Einstein
Les clichés ne sont donc pas « mauvais » : ils permettent de donner un angle de vue de la réalité. Il faut juste savoir que la réalité est donnée par le sur-positionnement de tous les angles de vue.
Il n'est pas possible de supprimer cette discrimination, mais il est important d’en avoir conscience : la carte n'est pas le territoire.
"L'ennemi de la vérité ce n'est pas le mensonge, ce sont les convictions"
F. Nietzsche
"Ce qui importe ce n'est pas tellement ce qui est vrai, mais ce qui aide à vivre"
F. Nietzsche
Construire la confiance - empathie
Le deuxième pas pour une communication réussie est la construction du rapport de confiance : cette étape est cruciale et peut prendre du temps. L'erreur à ne pas faire est donc de vouloir aller trop vite : certaines personnes, certaines cultures, ont besoin de passer beaucoup de temps avant d'entrer dans le cœur du sujet.
Cela nécessite aussi une bonne dose de sensibilité pour comprendre ce qui est vraiment important pour l'autre ou les autres. Cette qualité est souvent appelée empathie. Mais, contrairement à ce que l'on pourrait penser, être emphatique ne veut pas dire nécessairement passer par les émotions, se sentir obligé de les montrer ou de les recevoir sans filtre de la part de son interlocuteur.
Il existe en effet plusieurs types d'empathie :
- L’empathie cognitive est la capacité de se mettre à la place de l'autre du point de vue intellectuel, sans partager forcément ses émotions.
- L’empathie émotionnelle rajoute une identification émotionnelle.
Posséder une bonne empathie cognitive est déjà suffisant pour avoir une bonne compréhension des positions de son interlocuteur. En même temps, dans certaines cultures, il est apprécié, voire très important, de "lire les émotions" sur le visage de son interlocuteur, notamment en cas de conflit : pouvoir constater que vous êtes en mesure de ressentir sa détresse ou son agacement peut permettre d'instaurer un rapport de confiance et de désamorcer un conflit. Au contraire, dans d'autres cultures, on évite soigneusement de montrer ses émotions, considérées comme un manque de maîtrise de soi et une contrainte pour un échange serein.
Échange – le feedback
La troisième et dernière étape est le feed-back, c'est-à-dire le résultat des réactions de l'autre ou des autres sur sa stratégie de communication.
Les premières théories autour de la communication, nées dans les années 70 suite à l'invention des nouveaux médias (notamment la radio), tournaient autour de la notion de l'émetteur et de récepteur et de l’impact des filtres tels que les bruits extérieurs. Aujourd'hui, on sait que la limite de ces théories réside dans la circularité de la communication, qui est impactée non seulement par les filtres extérieurs, mais aussi par les retours ou feed-back continus du récepteur.
Les stratégies de communication
Une stratégie de communication efficace doit s'adapter à la situation. Les éléments qui en dépendent sont :
- Les objectifs que l'on veut obtenir
- La population à laquelle on s'adresse
- Le moment
- Le contexte
La situation détermine le rôle que nous jouons ainsi que les règles que nous utilisons.


Le sociologue américain Erving Goffman (1922-82), dans ses études sur les relations sociales, décrit la vie quotidienne comme une pièce de théâtre où chacun joue son rôle : tout le monde a une représentation de ce qu'est son rôle et du rôle des autres.
Il parle aussi des stigmates : porter des stigmates veut dire se différencier par rapport à une étiquette unique et dominante, qui va s'imposer à toutes les autres. On ne peut pas exister si on sort des clichés : afin de jouer son rôle social, pour exister, on doit assumer sa stigmate.
"Choose your self-presentations carefully, for what starts out as a mask may become your face"
Erving Goffman
Les vecteurs de la communication
D’après une étude américaine qui date désormais de quelques années, la communication se compose de 3 éléments, qui ont un poids différent :
La limite de ces théories réside dans le rôle des mots, qui, confinés à un petit poids de 7 %, n’auraient pratiquement aucune importance, alors que nous venons de mesurer l’importance de leur choix et de leur impact sur l’efficacité de l’échange.
Ceci est d'autant plus important avec le développement de la communication à distance (vidéo-conférence, téléconférence ...), où le non verbal est plutôt pénalisé.
Les règles d’or d’une communication efficace
- Prendre soin de faire une bonne introduction :
- créer un environnement et adopter une posture propice à l’échange, en fonction du contexte, du moment, de l’audience …
- donner le contexte / le cadre, les règles du jeu
- expliciter ses objectifs et ses attentes
--> Qu'est-ce qu'on va faire ? Comment ? Pourquoi ?


- Exprimer un message compréhensible de tous
- utiliser des codes communs
- utiliser une langue commune
- reformuler plusieurs fois en donnant plusieurs traductions et en utilisant plusieurs façons de décrire
- donner des indications complètes, claires et précises
--> Tout expliciter, ne rien laisser à la compréhension implicite
3. Ajuster son message en fonction des feed-back qu'on reçoit de son interlocuteur :
-
- « se nourrir mutuellement »
- poser des questions
- --> créer les conditions pour que son interlocuteur puisse s’exprimer

Un bon communiquant
Un manager qui maîtrise correctement sa communication sait :
- Être sécurisant
- Être présent, se faire « sentir »
- S’ajuster au rythme de son interlocuteur et l'écouter
--> La fluidité dans la communication vient avec la construction de la confiance

Il est important de souligner que la composante interculturelle, tout à fait cruciale dans le bon déroulement de la communication, n'est pas la seule clef de réussite dans un échange, notamment s'il s'agit d'une négociation. Une bonne maîtrise de la communication ne pourra pas agir sur :
- l'existence d'intérêts particuliers divergents, voire incompatibles
- une contreposition idéologique