Nous avons eu le plaisir d’interviewer Daniele Bottazzini, qui possède une solide expérience dans le domaine des ressources humaines (organisation, processus, recrutement) mais surtout un profil international intéressant. Le thème de l’entretien que nous avons abordé ensemble est celui du management et des différences entre le système italien et le système français.
Quel est votre parcours?
J’ai 37 ans et environ 12 ans d’expérience dans le secteur des ressources humaines et J’ai travaillé en Italie, mais aussi en France, bien sûr. J’ai étudié les ressources humaines et j’ai fait un Erasmus en France. Je suis en France depuis neuf ans.
Je suis actuellement en charge de la partie numérique de la fonction RH et en particulier de la numérisation des systèmes d’information RH.
Compte tenu de votre grande expérience, si l’on devait faire un parallèle entre le management italien et le management français, comment gérez-vous en Italie?
En Italie, j’ai commencé ma première activité en 2007 en CDI. J’étais nouveau dans la fonction, et j’ai donc quand même eu un management d’accompagnement au début, comme dans tous les pays j’imagine. En Italie, le management est assez directif. C’est directif dans le sens où le manager te fait sentir qui est le chef, qui est le boss (rires). En tant que collaborateur, on voit un peu le manager comme un mentor, comme quelqu’un qui donne des enseignements qu’il faut suivre. Mais quand il s’agit d’aller dans des réunions, dans des échanges, c’est le manager qui y va et c’est le manager qui parle.
On a tendance à rester à côté, écouter, et intervenir quand on sait qu’on peut intervenir. Et c’est le manager qui nous fait comprendre à quel moment on peut le faire. Parfois on définit ces moments même avant. En fait, nous préparons les réunions à l’avance, mais pas trop en détails. On travaille beaucoup dans l’instant.
Qui est pour vous un bon manager et un bon collaborateur?
Un bon manager, pour moi, c’est quelqu’un qui va te tracer le chemin, et qui va te donner l’objectif. Il ne va pas te dire comment arriver à l’objectif, mais il va te donner les éléments pour y arriver. En revanche, Un bon collaborateur c’est quelqu’un qui apporte de la valeur ajoutée à son manager.
Et en France ? Quelles sont les différences avec le système français?
En France, nous sommes à l’opposé du management directif (rires ndr). Dans le sens où on laisse beaucoup plus de place à l’employé. Je donne l’exemple des réunions dont j’ai parlé tout à l’heure ; bon, il y a aussi le fait que j’étais nouveau en Italie, donc je n’assistais pas forcément aux réunions. En France, je suis arrivée avec une certaine expérience.
Mais j’ai vu aussi qu’en France, pour les novices, même les employés parlent, ils interviennent. Parfois ils interviennent plus que le manager, en lui coupant la parole. Oui, exactement en le coupant. Et donc, finalement, on ne retrouve pas cette gestion managériale en France, alors qu’elle est présente en Italie. Ce n’est pas un manque de respect pour le manager, bien sûr. Parfois, nous avons tendance à nous mettre en avant pour nous montrer et faire nos preuves.
En Italie, c’est le manager qui amène le salarié, alors qu’en France, c’est parfois le salarié qui doit s’amener lui-même. Il doit montrer ce qu’il vaut, car ce n’est pas nécessairement le manager qui commercialise l’employé. En Italie, nous avons tendance à avoir ce marketing, cette « protection » de l’employé. Parce que la valeur de l’employé est aussi la valeur du manager.
Quelles sont les qualités d’un bon manager français?
En France, pour le manager comme pour le salarié, la compétence est importante. Nous accordons beaucoup plus d’attention aux compétences comportementales, les « soft skills », qu’au savoir-faire. Le leadership du manager, sa capacité à convaincre, sa capacité à être reconnu sont donc très valorisés. Et le fait qu’il soit reconnu vient parfois de ses caractéristiques comportementales, de sa façon de frapper, de parler, d’imprimer sa valeur et son comportement, ses « soft skills ».
Quels sont les points positifs des systèmes de management français et italien?
En Italie, c’est la franchise. Par rapport à ce que j’ai vécu et par rapport à la culture d’entreprise que j’ai connue, parce que cela joue aussi un grand rôle, c’est la franchise. Alors qu’en France, nous avons la partie implicite, c’est le contraire, nous n’avons pas cette franchise. En ce qui concerne le management français, la méthode m’a toujours beaucoup marqué, le fait de donner des méthodologies. On est très attaché à cela en France, aux moyens que l’on se donne pour atteindre l’objectif. En Italie, on se concentre plus sur l’objectif, alors qu’en France, on voit comment on y arrive. C’est parfois une bonne chose parce que dans le management italien, on ne donne que l’objectif, et les moyens pour y arriver ne comptent pas. En France, on s’intéresse aussi aux moyens, à la manière d’y parvenir. C’est pourquoi j’apprécie beaucoup le management français.
Quel conseil donneriez-vous à un manager français qui se retrouve à travailler en Italie et vice-versa?
A un manager français qui se retrouve à travailler en Italie, je conseillerais de travailler plus avec le cœur qu’avec la tête (rires ndlr). A l’inverse, à un manager italien qui va en France, je dirais de ne pas y aller directement, parce qu’il devrait faire un pas en arrière. En Italie, nous n’avons pas cette capacité, c’est quelque chose que j’ai appris en France, le fait de savoir prendre du recul. En Italie, nous ne savons pas ce que c’est. Quand je suis arrivé en France, je me suis rendu compte que cela n’existait pas en Italie. Il faut donc prendre du recul, réfléchir avant de parler et d’agir. En Italie, nous avons tendance à agir et le management est directif. Réfléchissez un peu avant de prendre une décision et de dire quelque chose à votre collègue.
Nous remercions Daniele Bottazzini pour cette précieuse discussion.