Travail et management à distance : les bonnes pratiques

bonnes pratiques travail à distance
Catégorie: Squadra
Date: 8 septembre 2020
Auteur: Clémence François
A propos de l'auteur: De nationalité française, Clémence est diplômée du Master en Management Interculturel à l’ISIT. Passionnée des relations internationales, et plus particulièrement des relations franco-italiennes, Clémence à rejoint la Junior-Entreprise de l'ISIT et l'équipe AI°FI pour un stage en 2020 en tant que chargée de la Communication et du Marketing. Clémence collabore ponctuellement pour AI°FI dans la rédaction d'articles.

Avec la globalisation et les progrès technologiques, les distances physiques se voient raccourcies : travailler dans une autre ville voire un autre pays que son pays d’origine, c’est de plus en plus facile ! La crise sanitaire due au Covid-19, qui a frappé le monde entier en début de 2020, a accéléré ce phénomène, qui semble désormais destiné à se pérenniser et à devenir LE sujet des entreprises, tout secteur confondu, d’ici les prochaines années.

Par conséquent, le nombre d’entreprises qui ont déjà intégré le travail à distance ne cesse d’augmenter. Être manager en 2020 exige une gestion différente des personnes ainsi que l’engagement des équipes à distance. Le management et la fonction RH (mais pas que) sont au cœur de ce débat.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, il semble essentiel de différencier 3 notions clés, qui sont souvent confondues : le télétravail, le smartworking et le travail à distance.

  • Le télétravail peut être compris comme un mode de travail indépendant de la localisation géographique du bureau ou de l’entreprise, facilité par l’utilisation d’outils informatiques et télématiques et caractérisé par une flexibilité tant dans l’organisation que dans la manière dont elle est effectuée. Cette modalité de fonctionnement rentre plutôt dans la sphère juridique et demande en préalable la définition d’un contrat.
  • Le smartworking [1] quant à lui,  peut être considéré comme « une évolution du travail flexible, et plus largement comme une nouvelle façon d’aborder le travail” (Allsopp, 2010). Cette modalité de fonctionnement rentre plutôt dans la sphère organisationnelle et se limite à un arrangement entre les parts. Cette pratique s’accompagne habituellement d’une certaine flexibilité de l’horaire de travail et à la création de plages horaires pendant la journée ou la semaine.
  • Enfin, le travail à distance sous-entend une certaine méthodologie d’organisation dans la façon de travailler ensemble. D’un côté l’on retrouve le manager, qui dirige une ou plusieurs équipes, et de l’autre les membres des équipes, dispersées sur plusieurs sites de la même entreprise ou du même groupe. C’est le cas des relations entre siège et filiales, entre filiales ou bien avec des agents commerciaux. Cette modalité de fonctionnement rentre plutôt dans la sphère organisationnelle et dépend de contraintes géographiques, étant donné l’éloignement de certains collaborateurs voire équipes, qui oblige l’organisation dans sa globalité à trouver des moyens particuliers pour travailler ensemble.bonnes pratiques travail à distance

L’étude réalisée par AI°FI en 2018-19 [2] par Elisa Domenighini, Alessandra Meacci et Sara Gallinari s’intéresse notamment au travail à distance. Cette étude a été conçue et mise en œuvre un an avant le coronavirus, lorsque les organisations étaient déjà confrontées au problème de la gestion à distance, la différence étant le caractère volontaire lié à l’efficacité de la gestion et non l’obligation donnée par une urgence sanitaire. Elle récolte les témoignages de vingt managers français et italiens qui travaillent dans un périmètre international, dans de multiples secteurs (luxe, immobilier, finances, énergie, hygiène…) et qui dirigent des équipes à distance. Sa finalité était de comprendre ce qui permet de créer, entretenir et développer l’engagement, la motivation et les bons fonctionnements des équipes à distance.

Avant-première : la présentation de l’étude

Vous pouvez visionner l’enregistrement de la conférence « Tous égaux dans le management à distance ?« , organisée par les alumni de la 8ème promotion du MMI – Master en Management Interculturel Paris Dauphine qui a eu lieu le 23 juin 2020, qui a présenté, en synthèse, les résultats de l’étude :

Equipes à distance, engagées et motivées

Les Points clefs de l’étude : les bonnes pratiques

Cet article se concentre sur les bonnes pratiques à appliquer et les pièges à éviter lors du travail à distance. Nous en avons identifiées 3.

1. Savoir mieux communiquer

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« La vidéo-conférence m’a appris l’écoute »

Bien qu’ayant de multiples qualités, les outils technologiques effacent certains aspects de la communication. Le manager doit être particulièrement à l’écoute, d’autant plus lorsque qu’il s’agit d’une coopération à l’échelle internationale, où l’on fait face à l’usage d’une langue véhiculaire. Parmi les meilleures pratiques, nous avons pu observer le fait de :

  • privilégier un langage explicite, synthétique et précis, afin d’éviter tout malentendu,
  • s’appuyer sur des écrits (par exemple à travers l’envoi d’un document avant les réunions),
  • consacrer du temps aux conversations informelles, pour pallier au manque d’échanges qui se tiennent normalement en présentiel, typiquement à la pause déjeuner ou autour de la machine à café.

D’un point de vue plus technique, les managers interviewés sont unanimes sur la nécessité de disposer d’outils informatiques adaptés au travail à distance. Une des personnes interrogées nous a dit qu’ « autrefois, pour organiser la vidéoconférence, vous aviez besoin d’une salle séparée, il y avait toujours un décalage entre le son et l’image ». Aujourd’hui Skype ou Zoom permettent de partager les écrans ou d’envoyer des fichiers. La seule préconisation qui ressort de façon récurrente est l’importance et la priorité de l’audio, qui prime sur la vidéo. Si le fait de pouvoir voir le visage de ses collègues lors d’un échange permet de palier partiellement à la présence physique, une mauvaise connexion audio est rédhibitoire !

2. Apprivoiser les différences culturelles (entre générations, entreprises, pays…)

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Diversité générationnelle

4 générations peuvent coexister aujourd’hui au sein d’une même organisation :

  • La génération Baby-Boomers (environ 70-55 ans aujourd’hui) est celle des seniors qui occupe encore, dans certaines entreprises (par exemple en Italie), les positions managériales les plus importantes.
  • La génération X (environ 55-40 ans aujourd’hui) est celle qui constitue aujourd’hui le top management de la plupart des entreprises.
  • La génération Y (environ 40-25 ans aujourd’hui), celle qui représente la nouvelle relève et qui dans certaines entreprises commence à occuper des positions de responsabilité.
  • La génération Z (à partir d’environ 25 ans aujourd’hui), qui commence tout juste à rentrer dans le monde du travail.

La diversité générationnelle peut avoir un impact sur les modalités de travail à distance. À titre d’exemple, la génération Y s’attend à avoir une relation assez proche avec les managers, à la différence des deux autres générations. Bien qu’elle soit en quête de liberté d’initiative et d’autonomie, la génération Y semble avoir besoin d’un manager plus présent, voire affectif qui se combine généralement bien à un style de management paternaliste.  « Le fait d’être là nous permet de protéger les employés moins expérimentés afin de ne pas les exposer aux cadres supérieurs d’autres pays », nous dit un des managers interrogés. Dans le cadre du travail à distance, cela peut représenter une source de frustration.

Diversité culturelle

L’impact des différences culturelles, plus ou moins identifiables avec les diversités nationales ou (plus d’actualité aujourd’hui)  liées à des groupes culturels, est également amplifiée par la distance.  Afin de les surmonter, il vaut mieux de prendre le temps de se renseigner sur la culture de l’autre et de bien être conscients de la sienne : qu’est-ce qui est vraiment important pour moi et pour toi ? Sur quoi je bâtis ma confiance et sur quoi tu bâtis la tienne ? Quelles sont les conditions pour une relation professionnelle satisfaisante ? Quelques points d’attention :

  • Pour connaître la culture de l’autre il vaut mieux éviter des a priori négatifs qui nous en empêcheraient une véritable connaissance et compréhension : cela nous évitera de partir du point de vue que notre culture est celle qu’il faut à tout prix suivre pour travailler de la meilleure façon.
  • Il ne s’agit pas non plus de se dire que, dans le fond,  tout le monde est semblable, les possibles différences que nous rencontrons sont peu impactant, voire elles dépendent uniquement des individus, plus que des cultures différentes.
  • Enfin, il ne s’agit pas non plus d’oublier soi-même et d’adopter complètement les rites des autres, mais plutôt d’établir un terrain de convergence.

Il est nécessaire de prendre le temps de la connaissance pour imaginer des stratégies d’ajustements progressifs et enfin trouver un terrain d’entente plus solide. Un accompagnement n’est jamais de trop !

Culture d’entreprise

La culture d’entreprise occupe place très importante dans l’intégration des équipes et dans leur efficacité. Lors d’une fusion / acquisition, la culture d’entreprise se voit chamboulée, et il faut la reconstruire, l’adapter selon les nouvelles entités. Mettre en place une culture d’entreprise internationale crédible nécessite d’entrer dans une démarche à long terme.

D’une part, pour réussir à exporter sa culture d’entreprise, il faut en avoir une, solide, connue de tous, avec de fortes valeurs identifiées. Nommer ses valeurs et décrire les comportements qui leur sont associés au sein de l’organisation permet de poser des bases de communication claires vis-à-vis des entités à l’étranger.

Ensuite, les managers doivent être conscients des valeurs de l’organisation car ils seront chargés de porter ces valeurs dans les filiales de l’entreprise. L’idéal est de les former dans le développement de soft skills, nécessaires : écoute, ouverture à l’autre, leadership pour imposer les éléments essentiels de la culture groupe sans écraser ni renier la culture du pays.

D’autre part, nous pensons qu’il primordial d’organiser des temps forts réguliers, notamment en présentiel,  pour faire vivre la culture d’entreprise, et qu’elle continue de vivre à distance. Cela peut se traduire par des dîners / séjours entre les équipes. De plus, le manager peut encourager les interactions entre les membres de l’entreprise en les invitant à travailler physiquement ensemble sur un projet commun.

Enfin, il est essentiel de repenser les process préétablis dans l’organisation (en prenant en compte la culture de l’entreprise, les diversités culturelles des personnes qui la composent) et les adapter aux nouveaux enjeux qu’engendre le travail à distance.

3. Changer le paradigme du management et du travailler ensemble : Le rôle du manager et le style de management à adopter à distance

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La vision du rôle du manager est variée dans les diverses cultures. Dans toutes les études autour de l’interculturel, la question autour des attentes vis-à-vis d’un manager ou d’un collaborateur revient chez tous les auteurs sous forme de rapport à la hiérarchie, d’orientation à la collaboration ou à la compétition, de préférence pour le contrôle ou la délégation.

Dans les cultures du manager-bon père de famille, le rôle d’un dirigeant consiste à enseigner à résoudre les problèmes et à n’intervenir qu’en cas de nécessité. Dans ces cultures, le risque du management à distance est de rester « loin de la réalité » lors d’occasions importantes ou encore d’endosser le rôle de coordinateur au dépit du rôle de manager.  Ceci ne posera pas de problème dans des cultures de manager-facilitateur, où le leadership est « très éthéré » et se concrétise plutôt par la capacité à créer du consensus et trouver des solutions qui mettent d’accord le plus grand nombre de collaborateurs.

Plus généralement, il est nécessaire d’adapter les pratiques de management en présentiel au mode de travail à distance. Par exemple, dans les cultures occidentales telles que française ou italienne, on a pour habitude de contrôler son équipe en mesurant le temps. Le travail à distance rend le collaborateur « invisible », et il devient plus difficile de contrôler son temps de travail et d’appliquer les politiques de présentéisme propres à ces deux cultures. Dans cette logique, il est préférable d’opter pour un contrôle managérial en fixant des objectifs à accomplir. Le manager doit savoir déléguer, encourager son équipe à prendre plus de responsabilité ; il faut savoir trouver le juste milieu entre contrôle et délégation.

Bien que plus autonome, l’équipe doit se sentir soutenue par le manager. Le soutien de ce dernier est précieux, car il permet d’instaurer une relation de confiance, et de s’assurer de la motivation et de l’engagement de l’équipe. À travers le management à distance, le manager fait face à un nouveau défi : il doit être particulièrement à l’écoute, éviter les non-dits, et ne doit pas hésiter à féliciter son équipe et à conserver quelques échanges informels, qui se font plus rares à distance.

Pour conclure 

bonnes pratiques travail à distance

Pour la plupart des interviewés le rôle et la valeur ajoutée du manager restent très ancrés à la présence, qu’elle soit physique (de préférence) ou virtuelle.

« La présence est un rite symbolique »

De plus, les rencontres physiques restent indispensables pour les managers interrogés, car elles rendent possible les moments informels, qui sont très importants dans la culture française et italienne.

Les échanges en présentiel doivent également être plus efficaces, en se focalisant sur des sujets clés, afin que les équipes puissent pleinement en saisir l’importance. Ils favorisent l’établissement d’un cadre clair, et permettent de mettre en lumière les attentes réciproques en termes d’objectifs, qu’ils soient collectifs ou individuels.

En un mot, le travail en présentiel et le travail à distance sont complémentaires !

Et vous, à quels défis faites-vous face en ce moment ?

Nous sommes à votre disposition pour un diagnostic :

  • Quelle est votre situation actuelle ?
  • Quels sont vos enjeux ?
  • Quelles sont vos priorités ?

Sans engagement, dans vos locaux, dans les nôtres ou en réunion virtuelle, à votre convenance : contactez-nous !

 


[1] Le terme smartworking est en réalité une invention des non anglophones, les anglophones parlent plutôt de homeworking, pas exactement la même chose

[2] Equipes à distance, engagées et motivées, leurs managers s’expriment, étude réalisée par Elisa DOMENIGHINI Sara GALLINARI, Alessandra MEACCI

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