Atelier « Les fondamentaux pour vivre et travailler en Italie » : un moment privilégié entre femmes à Milan

vivre et travailler en Italie
Catégorie: Expat
Date: 4 décembre 2019
Auteur: Sara Gallinari
A propos de l'auteur: De nationalité italienne, Sara a plus de 15 ans d’expérience dans des rôles RH au sein de grands groupes internationaux, en Italie puis en France – où elle vit et travaille depuis 2007. En 2017, elle a décidé de partager son expertise dans les relations entre la France et l’Italie, en créant AI°FI.

Le 25 novembre 2019, a eu lieu l’atelier « Les fondamentaux pour vivre et travailler en Italie », pensé pour les femmes françaises qui vivent et travaillent à Milan et organisé par AMA-Famiglie in Movimento et AI°FI-Accompagnement Interculturel France-Italie dans le « petit endroit spécial » de Le Spezie Gentili à Milan.

Cet atelier ‘vivre et travailler en Italie » qui constitue une première absolue dans le cadre de cette nouvelle collaboration et que nous avons voulu très intime afin d’en tester le format et les contenus.

Cette formule nous a permis de :

  • partager les expériences des unes et des autres dans un cadre informel
  • explorer les similitudes et les différences dans la façon de vivre et de travailler en Italie par rapport à la France et les élaborer en s’appuyant sur l’expertise et l’expérience interculturelle des animatrices
  • identifier des pistes d’action pour dépasser les éventuelles difficultés et instaurer une relation de confiance avec son entourage en utilisant l’intelligence bienveillante du groupe
  • connaître les besoins des chacune en termes d’accompagnement et de soutien dans leur intégration en Italie.

L’atelier participatif « vivre et travailler en Italie »

vivre et travailler en ItalieLors de cette matinée intense et conviviale, nous avons partagé les enjeux de la vie de tous les jours en Italie, afin d’identifier les particularités italiennes – et notamment milanaises, en considérant l’ancrage fort de la culture italienne au sein des régions et, en particulier, au sein des villes.

Avec Alessandra Ferrario, Fondatrice et Présidente de AMA ayant vécu plusieurs années à Paris, nous avons choisi 3 thèmes incontournables à nos yeux, quand il s’agit de parler des relations entre la France et l’Italie :

  1. le registre de communication
  2. le rapport à la règle
  3. les relations personnelles

Grâce au petit nombre de participantes, nous avons pu prendre en compte les particularités des unes et des autres, et rajouter ainsi un volet sur le rapport au travail. Les participantes ont également reçu notre e-book dédié au management en France et en Italie.

Manager en France et en Italie

Notre méthodologie

Après une entrée en matière nécessaire pour éveiller la sensibilité au sujet de l’interculturel, nous avons pu nous concentrer sur les 3 thèmes identifiés à travers :

  • un apport théorique très ciblé et très interactif constitué de quelques slides powerpoint, de quiz, de devinettes et d’un jeu de post-it.
  • le partage d’anecdotes, d’expériences directes et d’exemples tirés de la vie personnelle et professionnelle de chacune.

L’échange s’est révélé particulièrement riche, du fait de la sélection très ciblée des participantes – à la recherche d’une occasion de « partage apprenant » – et du cadre cosy et convivial.

L’atelier sur ce thème de « vivre et travailler en Italie » a pu ainsi se tenir sur une matinée, dans le cadre d’une formule très participative.

L’éclairage interculturel

vivre et travailler en Italie

Voici les résultats de cet échange, un panoramique des 3 dimensions clefs qui ont fait l’objet de cet atelier avec le décryptage culturel.

Le registre de communication

vivre et travailler en Italie

Il s’agit d’une des principales difficultés, et cela dans les deux sens. La communication italienne est plutôt directe (on dit les choses telles qu’on les pense), mais surtout très explicite (on dit tout), car on donne la priorité à la clarté et à la synthèse (ce qui est très appréciable en Italie) : on veut être bien compris pour éviter des malentendus, voire pour être plus rapide, surtout en contexte professionnel. Ensuite, si on voit que l’interlocuteur est dubitatif ou froissé, nous avons toujours le temps de rectifier le tir, voire de dire très clairement (encore une fois …) qu’il n’était pas du tout dans notre intention de le vexer. De la même façon, on sera prêt à recevoir le même style de communication sans nous vexer : « Ce n’est pas grave » signifie bien que ce n’est pas grave, et nous allons bien l’interpréter ainsi.

vivre et travailler en Italie

Tout cela peut parfois paraître assez rude pour un Français qui privilégie normalement un style plus indirect (on met les formes) et, surtout, assez implicite (on ne dit pas tout). D’un côté l’exercice dialectique lui paraît assez agréable, éventuellement le signe d’une certaine maîtrise de l’art oratoire (ce qui est très appréciable en France), de l’autre côté cela lui permet aussi de protéger la relation (je ne veux pas vexer mon interlocuteur). Ce qui pourra paraître flou, voire détourné, aux yeux d’un Italien : « Ce n’est pas grave » signifie parfois bien autre chose que ce n’est pas grave, et par conséquent il ne l’interprétera pas de façon correcte, c’est-à-dire au 2ème degré (quand ce n’est pas au 3ème ou au 4ème …).

Le rapport à la règle

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C’est sans doute une des différences les plus marquantes au quotidien. Aux yeux d’un Français, les règles sont rassurantes : en France tout est bien encadré et structuré (et simple, même si un Français serait très surpris de l’entendre …). Par ailleurs, le respect des règles a comme effet secondaire l’évitement du conflit, ce qui représente un point majeur en France. Ce qui ne veut pas dire qu’on ne puisse pas faire une exception – mais cela doit rester quelque chose de « tout à fait exceptionnel », justement, et cela dépend de la posture adoptée par la personne, qui devra être bien consciente et reconnaissante du traitement de faveur qu’on lui accorde.

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Au contraire, aux yeux d’un Italien, les règles sont contraignantes et chronophages, ce qui trouve une explication dans le cadre législatif. En effet, l’arsenal juridique compte environ 150 000 lois (et pas toujours très claires) – contre 7 000 environ en France – et le décryptage peut se révéler un exercice très compliqué. En Italie, l’application de la règle est donc parfois soumise à « interprétation » : est-ce que cette règle fait du sens ? La complexité pousse parfois à faire autrement, dans un souci d’efficience (aller plus vite, car aller vite c’est très important), voire d’efficacité (appliquer le « bon sens » : on a voulu dire quoi, avec cette règle ? Quel principe le législateur a voulu protéger ?). Surtout dans la relation client-prestataire ou entre collègues, notre interlocuteur aura tendance à s’arranger pour satisfaire notre demande, afin de garder une relation professionnelle (voire personnelle) positive et constructive, car nous n’accepterions jamais que le problème ne soit pas réglé « à cause d’une banale procédure… » (et nous le ferions savoir de façon assez directe, comme on le verra dans le prochain chapitre).

Les relations personnelles

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Voici un aspect plutôt caché et pas toujours évident à déceler. Si en France un premier contact est assez facile, au moins au niveau du simple fait de faire connaissance, à Milan cela risque d’être bien plus difficile (dans le sud de l’Italie les relations sont normalement plus chaleureuses, d’après mon expérience). Dans une ville (et une vie) très « métro-boulot-dodo », les rapports personnels nécessitent souvent un bon prétexte pour se développer, typiquement des occasions professionnelles ou, moins souvent et normalement pour les mères, des occasions scolaires : comme nous l’avons exploré, surtout à Milan où la vie tourne beaucoup autour du travail – un pilier dans la vie des italiens en laissant très peu de place aux relations personnelles, à l’exception de sa famille. Dans la sphère personnelle, il est plus difficile de créer des liens. Mais une fois qu’ils sont créés, normalement ils durent pour la vie. En fait, les Milanais ressemblent plutôt à des noix de coco : il est très dur de percer leur carapace, mais une fois que c’est fait, il est très facile de devenir très proche.

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Au contraire en France, un premier contact est normalement plus facile, mais devenir vraiment proche demande beaucoup de temps : des collègues italiens me confiaient récemment que quand ils viennent en France, malgré plusieurs années de travail commun, ils ont d’excellentes relations professionnelles, même très agréables, mais qu’ils n’ont jamais été invités à la maison pour un dîner en famille. En effet, au-delà d’une façon différente d’interpréter les relations professionnelles et l’envie de mélanger le travail à la sphère privée, il y a dans la sphère personnelle 5 façons de nommer une relation en langue française : connaissance, pote, copain/copine, ami(e). Tandis qu’il n’y en a que 2 dans la langue italienne : connaissance (qui est plutôt péjoratif) et ami(e)[1]. En fait les Français ressemblent plutôt à des pêches : il est très facile de les aborder, mais une fois que c’est fait, il est beaucoup plus dur d’atteindre le noyau et de devenir très proche.

Pour aller plus loin après notre atelier « Vivre et travailler en Italie »

Finalement, en profitant de cette occasion privilégiée, nous avons partagé autour des principaux défis auxquels sont confrontés les femmes qui s’installent en Italie, avec un focus sur Milan.

Nous étions d’accord sur 2 points, qui vont certainement faire l’objet d’une étude de notre part :

  • les Français sont très doués dans le réseautage, notamment dans le domaine professionnel : le networking, surtout parmi les cadres issus des Grandes Écoles, est souvent le canal principal pour le développement de sa carrière. Ce qui n’est pas du tout vrai en Italie, où cela reste très limité aux cadres de très haut niveau et qui débouche rarement sur des opportunités professionnelles. Aussi à cause de la réticence à changer d’employeur, et qui se traduit surtout en des moments de convivialité et d’affichage de son statut social (qui en Italie est très lié à son métier et à son employeur). A Milan, on peut donc retrouver d’innombrables associations d’expatriés français, très actives dans tous les secteurs. Sur la toile, on peut aussi trouver des dizaines de blogs d’expatriés dans toute l’Italie. Il y a donc beaucoup d’interlocuteurs à connaître à Milan, et plus largement en Italie.
  • si les entreprises s’occupent normalement de fournir un accompagnement à leurs salariés en expatriation (a minima une formation interculturelle et un service de relocation), ceci est rarement vrai pour les conjoints. Évidemment, ils (plus souvent elles …) bénéficient du service de relocation stricto sensu (recherche de logement), plus rarement d’accompagnement dans l’administration (qui est un véritable casse-tête), dans le choix de l’école pour les enfants, dans la recherche d’emploi ou tout simplement dans la création d’un réseau, de quelqu’un sur qui compter dans les premiers mois de l’installation. Ce qui nous confirme que ces ateliers ont une utilité et méritent certainement de s’enrichir d’autres volets, comme la valorisation d’un parcours personnel pour entreprendre un projet professionnel quand on est en situation d’accompagner son conjoint en expatriation, un soutien à l’accompagnement des enfants dans une expérience positive et challengeante.

Pour cela, AI°FI et AMA ont décidé d’entreprendre ce partenariat, qui permettra aux personnes d’accéder à une offre plus large et plus adaptée à leurs besoins, qui sont divers et nécessitent une approche plus intégrée.

[1] Par ailleurs, si « mon ami(e) » peut vouloir dire ami, mais aussi indiquer une relation amoureuse, ce n’est pas du tout le cas en italien, ou on emploi le mot fiancé(e) voire « compagno/a » (que par ailleurs nous traduisons en français par copain/copine…) ou, pour les plus jeun(e)s, « il mio ragazzo / la mia ragazza » (qui se traduisent en français par mon garçon / ma fille ou nana…).

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