Générations : de quoi on parle ? Un éclairage pour le management intergénérationnel

management intergénérationnel
Catégorie: Squadra
Date: 6 novembre 2018
Auteur: Sara Gallinari
A propos de l'auteur: De nationalité italienne, Sara a plus de 15 ans d’expérience dans des rôles RH au sein de grands groupes internationaux, en Italie puis en France – où elle vit et travaille depuis 2007. En 2017, elle a décidé de partager son expertise dans les relations entre la France et l’Italie, en créant AI°FI.

[vc_row][vc_column][vc_column_text]Dans le cadre du Master en Management Interculturel de La Dauphine j’ai eu l’honneur et le plaisir de faire la connaissance de Christine Charlotin, fondatrice de Open Mind Conseil RH et experte en management intergénérationnel.

Le sujet est arrivé assez tard en France, alors que l’approche générationnelle existe aux USA et au Canada depuis les années 50. L’idée est, ici, de donner une vision d’ensemble sur les diverses générations et d’en tirer quelques bons conseils afin de décrypter plus facilement certains comportements et de manager plus efficacement des équipes mixtes et des collaborateurs appartenant à d’autres générations que la nôtre.

Quelques notes à prendre en compte :

  • l’analyse nécessite toujours une contextualisation : ici je fais référence surtout à l’environnement européen (plutôt de l’Europe de l’Ouest). Par ailleurs, ayant grandi en Italie, et plus précisément à Milan, cela a certainement un peu biaisé mon regard sur les traits caractéristiques des générations (en particulier la mienne, sans surprise 🙂 )
  • veuillez m’excuser si, de temps en temps, je me donne la permission de forcer un peu le trait

[/vc_column_text][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column][separator headline= »h2″ style= »center » title= »Génération Héritage »][vc_row_inner][vc_column_inner width= »1/2″][vc_single_image image= »7104″ img_size= »400X300″ alignment= »center »][/vc_column_inner][vc_column_inner width= »1/2″][vc_single_image image= »7101″ img_size= »400X300″ alignment= »center »][/vc_column_inner][/vc_row_inner][vc_column_text]C’est la génération des personnes de plus de 70 ans, aujourd’hui (pour la plupart) sorties du monde professionnel. En Europe, il s’agit de la génération qui a connu la guerre, parfois plusieurs, des grands-parents, parfois des arrière-grands-parents, qui représentent notre mémoire historique.

L’équilibre de la société tournait surtout autour de la famille traditionnelle et de son entourage, ce qui est plutôt typique dans les pays qui ont subi les guerres et la pauvreté. Ceci explique aussi une tendance plutôt généralisée à donner la priorité à l’intérêt collectif.

L’équilibre entre hommes et femmes était loin d’être celui d’aujourd’hui, à la maison comme dans l’environnement professionnel, où il y avait une nette séparation entre les « métiers d’homme » et les « métiers de femme » : jusqu’après 1965 en France, une femme avait besoin de l’autorisation de son mari pour avoir un compte en banque ou pour travailler, elle ne pouvait pas non plus porter de pantalon au travail, ni intégrer les grandes écoles. Ceci dit, c’est aussi la génération des femmes seules : souvent veuves très jeunes à cause de la guerre et d’un travail encore très usant, les femmes de cette génération ont souvent grandi sans père ou ont dû élever leurs enfants, souvent nombreux, sans leurs maris et travailler en même temps, sachant que l’égalité de traitement ne faisait pas encore la une à l’époque.

La génération Héritage a évolué dans un environnement professionnel encore traditionnel, avec un modèle de management vertical et une forte distance à la hiérarchie. Ceci était dû aussi au fait que l’accès aux études supérieures était encore assez réservé à un nombre limité de personnes. Les diplômés constituaient une minorité de la population, qui avait donc accès de façon assez automatique, dans un secteur industriel en essor, à de bonnes positions et de beaux parcours de carrière. Les activités productives étaient encore fortement agricoles, dans un contexte de crise économique et d’instabilité sociale et politique : le tissu économique était constitué de beaucoup d’artisans et petites entreprises familiales, agricoles et manufacturières. Ceci peut contribuer à expliquer la résilience dont cette génération a su faire preuve et son attitude à « faire des sacrifices » aujourd’hui pour « avoir la récompense » demain, dans un monde meilleur.[/vc_column_text][separator headline= »h2″ style= »center » title= »Génération « Baby Boom« « ][vc_row_inner][vc_column_inner width= »1/2″][vc_single_image image= »7099″ img_size= »400X300″ alignment= »center »][/vc_column_inner][vc_column_inner width= »1/2″][vc_single_image image= »7100″ img_size= »400X300″ alignment= »center »][/vc_column_inner][/vc_row_inner][vc_row_inner][vc_column_inner][vc_column_text]C’est la génération des personnes nées entre 47 et 68, dite aussi du baby-boom. Bien qu’il n’y ait qu’une classification pour cette vingtaine d’années, la 1ère et la 2ème décade sont assez différentes : si la première décade est aujourd’hui en majorité sortie du monde professionnel, la seconde se trouve en plein milieu de sa vie professionnelle et, dans le meilleur des cas, en pleine carrière. En Europe, il s’agit d’une génération qu’on considère comme la plus chanceuse : née dans l’après-guerre, devenue adulte en plein boom économique, elle a bénéficié d’un système de travail plutôt stable et se trouve aujourd’hui dans une situation économique souvent meilleure que celle de leurs enfants.

L’équilibre de la société change radicalement à partir des années 70, avec un bousculement de la famille traditionnelle et de l’ordre de la société, dont les valeurs sont remises en discussion (« il est interdit d’interdire »). C’est l’ère du rock’n’roll, des cheveux longs, des concerts de Jimi Hendrix et Patty Smith, des courant ésotériques et du peace and love.

L’équilibre entre hommes et femmes subit un changement radical, à la maison comme dans la société : l’arrivée de la mini-jupe et de la contraception féminine ouvrent la voie à une tendance qui changera petit à petit les rapports entre les sexes, même si dans l’univers professionnel ce changement prendra beaucoup plus de temps.

La génération « baby-boom » a évolué dans un environnement professionnel qui a vu l’affirmation de l’entreprise privée, qui a connu un modèle de management toujours assez vertical, mais plus participatif et une moins forte distance à la hiérarchie. Ceci est le résultat de la « révolution culturelle » qui a touché surtout l’Europe à la fin des années 60 et qui a culminé en mai 1968 avec une remise en discussion du statu quo et un début de changement des mœurs, en rupture avec le modèle traditionnel. C’est l’époque du team building, des dress codes plus informels et des focus groups. Malgré ces changements, l’accès aux études supérieures reste encore assez limité et les diplômes continuent de constituer un canal assez sûr pour accéder à de bonnes positions dans le monde du travail, qui démarre juste sa révolution, beaucoup plus lente. Les activités productives sont aussi florissantes, dans un contexte de reconstruction et de croissance qui permet aux artisans, aux petites entreprises agricoles et manufacturières de prospérer.[/vc_column_text][/vc_column_inner][/vc_row_inner][separator headline= »h2″ title= »Génération « X« « ][vc_row_inner][vc_column_inner width= »1/2″][vc_single_image image= »7108″ img_size= »400X300″ alignment= »center »][/vc_column_inner][vc_column_inner width= »1/2″][vc_single_image image= »7107″ img_size= »400X300″ alignment= »center »][/vc_column_inner][/vc_row_inner][vc_row_inner][vc_column_inner][vc_column_text]C’est la génération des personnes nées entre 69 et 79, dite « génération X » ou aussi, la « génération sacrifiée ». En effet, il s’agit d’une génération qui est restée coincée entre la génération précédente, à laquelle elle est très attachée en termes de valeurs et de modèle de société, et la génération suivante, dans laquelle elle ne se reconnaît pas. En Europe, il s’agit d’une génération qu’on considère moins chanceuse que la précédente : née dans le boom économique, devenue adulte au début de la crise économique, elle n’a pas bénéficié du système de travail stable et du bien-être économique de la génération précédente, ni des avancées technologiques de la suivante. Elle se trouve aujourd’hui dans une situation économique plutôt instable, après un départ prometteur, et un futur très incertain auquel personne ne l’avait préparée.

L’équilibre de la société est fragilisé par la chute du modèle de la famille traditionnelle et le désordre politique et social : c’est l’époque de la chute du mur de Berlin (1989), du premier choc pétrolier, du fléau du SIDA, du désastre de Tchernobyl, de la Guerre du Golfe et de l’explosion de l’URSS, de la Yougoslavie et de tous les pays de l’Europe de l’Est, de la crise économique qui dorénavant deviendra permanente et du début de la fin du poste fixe. Mais c’est aussi une période effervescente pour la vie sociale : la musique électronique, le rhythm and blues, les boîtes de nuit et les DJs, les salles de jeux avec les premiers video games, le style bling-bling. Quelqu’un l’a définie la « décadence » typique des sociétés qui sont dans la parabole descendante de leur apogée.

L’équilibre entre hommes et femmes subit un changement radical, à la maison comme dans la société et en entreprise : les femmes accèdent désormais aux études supérieures et elles rattrapent petit à petit les collègues hommes dans des rôles qui leurs étaient autrefois inaccessibles. Elles commencent à s’intéresser à la carrière et aspirent à l’indépendance économique. On passe d’une vision plus orientée vers la collectivité à une approche plus individualiste : les hommes comme les femmes sont désormais disposés à retarder la création d’une famille ou même à y renoncer si cela ne correspond pas à leur réalisation personnelle. Le nombre de célibataires augmente, le taux de natalité chute, le nombre de divorces par an dépasse petit à petit le nombre de mariages, les couples formalisent de moins en moins leurs relations, qui durent de moins en moins longtemps. La famille n’est plus le cœur de la société.

La génération « X » évolue dans un environnement professionnel qui a désormais franchi le seuil de la modernité : l’économie, notamment le secteur tertiaire, est en plein essor. Les années 80 voient la naissance d’une classe de jeunes travailleurs avec des ambitions de carrière et qui aspirent au style de vie aisé des entrepreneurs à succès (les yuppies). La génération « X » reste encore attachée à des valeurs telles que la loyauté à son employeur, au travail comme facteur d’épanouissement dans la vie et comme statut social. C’est l’époque de la recherche de l’optimisation et de la productivité, des méthodes et des process, du Lean Manufacturing, des services achats centralisés, des certifications Qualité et ISO pour se démarquer de la concurrence, de l’évaluation des prestations et des expatriates. La thématique du développement durable fait timidement son entrée (1987). L’accès aux études supérieures est désormais démocratisé, mais les diplômes garantissent de moins en moins l’accès à de bonnes positions dans le monde du travail, où l’on recherche de plus en plus des profils qui maîtrisent les langues étrangères et qui sont disposés à affronter une mobilité géographique pour « suivre le travail ». Les activités productives sont encore florissantes, mais le contexte se dégrade et la croissance qui faisait vivre les artisans et les petites entreprises agricoles et manufacturières s’essouffle petit à petit.[/vc_column_text][/vc_column_inner][/vc_row_inner][separator headline= »h2″ title= »Génération « Y« « ][vc_row_inner][vc_column_inner][vc_single_image image= »7109″ img_size= »full » alignment= »center »][vc_column_text]C’est la génération des personnes nées entre 82 et 96, dite « génération Y » (da « why ? ») ou encore génération « Millenial« . Il s’agit d’une génération qui occupe les pensées de tous les managers d’aujourd’hui, qui tremblent à l’idée de devoir manager des extraterrestres. En effet, c’est peut-être la génération qui tourne définitivement la page du XXème siècle et qui nous fait transiter dans le nouveau millénaire, d’où son surnom. Grandie dans une crise économique désormais structurelle, devenue adulte en pleine révolution internet, elle n’a jamais connu le système de travail stable et le bien-être économique de la génération des grands-parents, ni elle n’y songe, contrairement à celle des parents.

L’équilibre de la société est désormais précaire, la famille traditionnelle laisse la place aux familles recomposées et « arc en ciel », la désaffection pour la politique et un système économique qui a échoué et a laissé derrière lui le CDI et un désenchantement généralisé pour le monde de l’entreprise : c’est l’époque d’internet et des téléphones portables pour tous, de l' »enfant roi », de la fin du service militaire obligatoire, du « lâcher prise » et du carpe diem, de l’accès à tout, tout de suite, de l' »uberisation » de la consommation et de « la philosophie de la note » où le client (lui aussi) est roi, où les intermédiaires (comme Tripadvisor) remplacent les prestataires dans la relation client. L’usage remplace la propriété (troc, vide-dressing…), une toute nouvelle sensibilité à l’environnement et à l’état de santé de la planète s’installe (régimes alimentaires bio, vegan, sensibilité pour les animaux d’élevage…).

Le décalage entre hommes et femmes continue de se creuser, les relations durables se font de plus en plus rares et difficiles à construire : la sphère de la socialisation se déplace de l’entourage physique à la réalité virtuelle.

La génération « Y » évolue dans un environnement professionnel qui n’arrive plus à suivre l’évolution de la société : l’économie connaît des crises de plus en plus longues et fréquentes, l’entreprise ne fait plus rêver, le salariat non plus, le travail comme facteur d’épanouissement dans la vie et comme statut social laisse la place à la recherche d’expériences nouvelles et à un modèle de vie affranchi de l’emploi pur et simple. C’est l’époque de l’équilibre vie privée / vie professionnelle, du bien-être au travail, du télétravail ou du travail nomade, du management par l’exemple, du manager-père. Les diplômes ne garantissent plus l’accès à de bonnes positions dans le monde du travail s’ils ne sont pas accompagnés d’expériences probantes et de compétences différenciantes. En même temps, les nouveaux travailleurs ont perdu le sens de l’attachement à leur travail et à leur employeur : ils restent de moins en moins longtemps (4 % des personnes quittent leur poste le jour de l’embauche, 22 % dans les 45 premiers jours), veulent évoluer et apprendre de nouvelles compétences très rapidement, « laisser un impact ». Les activités productives sont de plus en plus délocalisées dans les « pays émergents », les artisans et les petites entreprises agricoles et manufacturières ferment et les campagnes se désertifient encore plus.[/vc_column_text][/vc_column_inner][/vc_row_inner][vc_row_inner][vc_column_inner width= »1/2″][vc_video link= »https://vimeo.com/132202189″ align= »center »][/vc_column_inner][vc_column_inner width= »1/2″][vc_video link= »https://youtu.be/hER0Qp6QJNU » align= »center »][/vc_column_inner][/vc_row_inner][vc_row_inner][vc_column_inner][separator headline= »h2″ title= »Génération « Z« « ][vc_single_image image= »7114″ img_size= »full » alignment= »center »][/vc_column_inner][/vc_row_inner][vc_column_text]C’est la génération des personnes nées entre 96 et 2011, dite « génération Z ». Il s’agit d’une génération qui commence à entrer dans la vie active : née dans un monde connecté, habituée depuis toujours à internet, elle n’a jamais connu la vie sans smartphone et laptop, ni de système de travail stable.

Dans l’équilibre de la société, le collectif a définitivement laissé la place à l’individu, désormais au centre de son univers : c’est l’époque du « donnant-donnant », des relations à court terme et par écran interposé, de la valorisation de l’individu par le groupe à travers la visibilité dans les réseaux sociaux, qui se mesure en nombre de likes ou de followers.

Le rapport entre hommes et femmes ne semble plus faire partie des inquiétudes : la vie tant privée que professionnelle se construit autour des individus.

La génération « Z » débarque dans un environnement professionnel qui doit encore digérer la génération précédente : l’économie continue de connaître des crises de plus en plus fréquentes, l’entreprise et le salariat n’occupent plus la première place parmi les priorités des individus. Égalité, communication ouverte, qualité de vie au travail, exemplarité et légitimité remplacent définitivement le modèle hiérarchique traditionnel. C’est l’époque de la séparation presque inexistante entre vie privée et vie professionnelle, du management collaboratif, du leader-communiquant. Mais nous ne connaissons pas encore suffisamment ces nouveaux travailleurs, mise à part leur aptitude à inventer de nouveaux métiers et de nouveaux styles de vie, plutôt que de rentrer dans des cases préétablies.[/vc_column_text][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column][vc_column_text]De mon côté, je me sens à cheval entre les générations « X » et « Y », mais j’ai tout de même une pensée pour les « oubliés » de la génération qui est VRAIMENT à cheval entre les 2 : je parle des enfants des années 80 et 81, qui n’apparaissent nulle part dans les statistiques, qui ont grandi en conflit générationnel non seulement avec leurs parents, mais aussi avec leurs frères et sœurs aînés – les enfants de la génération « X » – à une époque où personne ne parlait encore d’intergénérationnel. Ils sont tout simplement passés pour des enfants trop gâtés, plus que leurs frères et sœurs aînés, mais moins, beaucoup moins que leurs frères et sœurs cadets.

Et vous, où vous placez-vous ?[/vc_column_text][/vc_column][/vc_row]

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